Cellule de Shamil

Shamil pestait. Jamais elle ne c'était sentie aussi mal. Tout d'abord, et en premier, elle n'était plus libre. Ensuite, la cellule dans laquelle on l'avait enfermée empestait. Le métal froid des menottes la gelait tellement qu'elle ne sentait plus ses doigts. Et les rats n'arrangeaient rien. Tout ça à cause de cette fichue bataille de taverne! Je le savais, que j'aurais dû partir! Mais comment refuser un peu d'action pour quelqu'un qui n'a rien fait pendant une semaine? Et pire que tout, son ennemi numéro un, Silence l'exaspérait au plus haut point. Elle haïssait profondément Silence. C'était le calme avant la tempête, le vide absolu. La mort. Elle se secoua. Remua légérement les menottes dans l'espoir de briser Silence par leurs tintements. C'est le seul point fort de cette cellule: on peut faire du bruit. Elle se promit intérieurement de trucider la premiére personne qui déclencherait une bataille. Ce n'était pourtant pas elle qui avait commencé. Elle avait été obligée d'assomer deux ou trois ivrognes, d'accord, de fracasser le crâne d'un soldat qui voulait la liquider, d'accord. Mais pas d'avoir tué l'aubergiste! Les soldats étaient arrivés, tout le monde s'était enfui. Et elle, elle était restée là, bêtement. Les soldats l'avait empoignée. Elle s'était défendue, assomé plus de la moitié des gardes. Mais elle avait été eue. Un mot: drogue. Elle réfléchissait au moyen de s'évader. Le dessin? Elle dessinait juste assez bien pour faire apparaître un tas de petit bois. Vachement pratique dans un cachot ne put elle s'empêcher d'ironiser. Elle entendit du bruit derriére la porte. Soudain trés attentive, elle tendit l'oreille, tout ses sens en alerte. La pote grinça lentement sur ses gondes, dans un fracas abonimable qui fit fuir Silence. A moitié soulagée, Shamil se redressa à moitié. Elle reconnut dans le noir la robe dorée de l'empereur.
_ Tiens donc? Depuis quand l'empereur s'intéresse t-il aux prisonniers? ironisa t-elle.

Erwin avait finalement pris la décision de rendre visite à la prisonnière qui résidait dans les cachots du Palais. Il ne pouvait qu'éprouver des remords à faire subir ce traitement à une si jeune fille... Même si elle avait prouvé avec grande éloquence qu'elle savait se défendre ! C'est d'ailleurs pour cela que Shamil Eralya avait été mise sous barreaux. Erwin ne pouvait tolérer que de telles bévues soient commises au sein de son Empire, et faute de trouver les agresseurs initiaux, le Garde Impérial chargé de l'affaire avait jugé judicieux d'emporter la personne qui causait le plus de dégâts... L'Empereur n'était pas un personnage machiavélique. Ni particulièrement altruiste. Néanmoins lorsque qu'Erwin commettait quelque chose d'injuste, sa conscience le ramenait de suite à l'ordre. C'est pourquoi le jeune homme se dirigeait-il vers les cachots en cette heure matinale.

Il salua les quelques Gardes chargés de la surveillance de l'endroit, qui esquissèrent une courbette avant de rétablir leur vigilance. Erwin dévala lentement les escaliers à mesure que la température descendait. Un Empereur n'était généralement que peu connaisseur de ses propres cachots. Sil' Afian souhaitait néanmoins fréquemment rendre visite aux criminels que les prisons renfermaient. Bien sûr, Erwin récoltait nombre d'insultes mais il se devait d'être au courant de la situation de son peuple... Celui-ci soit-il incarcéré dans son propre Palais. Cherchant la cellule de la jeune fille du regard, Erwin ne la trouva pas. S'inquiétant auprès d'un garde, l'Empereur apprit que la jeune fille avait été placée en isolement. Un froncement de sourcils vint accueillir ces dires et Erwin soupçonna quelque attitude non coopérative de Shamil. De toute façon, l'incarcération ne serait pas longue. Pour les jeunes gens, la peine n'était pas si lourde. Elle servait plutôt d'avertissement afin qu'ils ne recommencent pas. Et pourtant... Bien que Shamil Eralya ait l'air d'une jeune fille normale en apparence, elle avait mis en déroute plus d'un guerrier chevronné et ce détail intriguait Erwin... D'autant plus que certains indices, glissés à son oreille par quelques Gardes attentifs, avaient doté l'Empereur d'un doute concernant la jeune fille. Un doute concernant une certaine guilde dont elle ferait partie... Mais cela ne le concernait pas. Erwin avait enfin atteint la cellule exigüe de la prisonnière.

-Tiens donc? Depuis quand l'empereur s'intéresse t-il aux prisonniers ?

Erwin décida de garder son calme et s'exprimer avec neutralité, peut-être avec une pointe amicale. Après tout, son âge était relativement proche à celui de Shamil. Ils ne devraient se parler avec autant de distance. Et pourtant... Sa parole n'avait pas été un exemple de perspicacité.

-Bonjour, tout d'abord. Fit-il, amusé. Pour répondre à ta question, je me permettrais de te demander sur quelle expérience tu te bases pour sous-entendre que je ne m'intéresse pas à mes prisonniers. Sache que j'effectue fréquemment des descentes aux cachots. Voilà au moins qui est clair. As-tu passé une bonne nuit ?

Erwin regarda ostensiblement la pièce dans laquelle la jeune fille était détenue.

-Je devine que non. Reprit-il. Tu n'as pas dû te montrer très coopérative pour qu'on te place ici.

Un petit sourire élargit le visage de l'Empereur. Il essayait clairement de dédramatiser la situation. De lui faire comprendre peu à peu que celle-ci n'était pas critique. Pour en arriver au fait que Shamil pouvait s'en sortir. Et plus qu'honorablement.

Shamil était étonnée. Elle avait vu juste: c'était bien l'empereur qui était venu lui rendre une petite visite. Chose surprenante, il était beaucoup plus jeune qu'elle ne l'estimait. Un peu prés son âge, en fait. De plus, il ne semblait nullement lui en vouloir. Ele décida tout de même de rester sur ses gardes et de ne pas lui faire croire qu'elle était dans un état de faiblesse. Elle se demandait se qu'il avait entendu sur elle. Se doutait-il qu'elle était une marchombre? A en juger par son regard, il avait des doutes, mais n'était sûr de rien. Voilà enfin une bonne nouvelle. Moins il en saura, mieux cela vaudra.
_ Effectivement, je n'ai pas passé la meilleure nuit du monde. Et oui, je ne me suis pas montré trés coopérative, mais je suppose que n'importe qui en aurait fait autant si il était accusé de quelque chose qu'il n'a pas commis. Et je me base sur l'expérience de la mauvaise humeur qu'on récolte en passant une nuit enfermée dans un cachot. Mis à part ça, tout va bien, mis à part quelques détails que je passerais sous silence. Voilà, j'ai répondu à toutes les questions, même à celles qui n'en étaient pas. Elle décida de faire croire à l'empereur qu'elle n'était pas ce qu'elle était réellement, c'est-à-dire une femme qui à passé sa vie à parcourir Gwendalavir de long en large, croiser le fer avec toutes sortes de monstres, escalader une montagne pour aller chercher une greffe, etc, etc. Elle plongea ses yeux bleus dans ceux de l'empereur. Elle y lut une lueur amicale, teintée de curiosité. Je me demande ce qu'il a derriére la tête. Rien de négatif, j'espére. Remarque, je peux difficilement imaginer comment la situation pourrait être pire. A part une horde de mercenaires de Chaos qui arriverait à toute allure dans la cellule, bien sûr. Pour mettre toutes les chances de son côté, d'un mouvement fluide, si rapide que personne n'aurait put le percevoir, elle se débarassa de ses menottes, mais veilla à garder les mains de sorte qu'on aurait put croire qu'elle était encore enchaînée. Voilà qui est déjà plus équitable. Cependant, j'aimerais savoir ce qu'il veut au juste. Je ne crois pas une seule seconde à son histoire de visite quotidienne. Les pensées de Shamil s'envolérent soudain vers son amie d'enfance, Shinda. Elle l'avait rencontrée alors qu'elle n'avait que 12 ans. Tout comme elle, Shinda luttait pour survivre. Ca avait pourtant mal démarré, à cause de cette histoire de pomme volée. Shinda allait la voler, mais Shamil l'avait fait avant elle. Elles s'étaient poursuivis sur les toits, s'étaient même battues en duel. Mais elles s'étaient réconciliées, et étaient devenues inséparables. Pourtant, un jour, Shamil avait dû la quitter, emmenée par son maître. Touts les jours, elle repensait à elle. Avait-elle périt dans des vols ou tuée par des gardes? Etait-elle en prison? Pensait-elle à elle en ce moment? Avait-elle survécut, et l'attendait-elle quelque part? Oh, Shinda, si seulement je pouvais te revoir... Juste une fois... La tristesse apparut sur son visage, mais elle se ressaisit, et la chassa bien vite. Elle est sûrement en vie. Elle à survécut à bien des choses, elle s'en ait sortie, j'en suis sûre! Du moins aurait-elle aimé en être sûre...

- (...) Voilà, j'ai répondu à toutes les questions, même à celles qui n'en étaient pas.

Erwin avait écouté distraitement la réponse fougueuse de la marchombre (car il était maintenant presque persuadé de l'appartenance de Shamil àcette guilde) et l'avait balayée d'un revers de main, annonçant la tournure plus sérieuse qu'allait prendre désormais la conversation.

-Fort bien, petite. L'Empereur savait que ce quolibet ne serait pas de goût à la jeune fille, qui ne manquerait pas de remarquer leur similitude d'âge. Maintenant passons aux choses sérieuses veux-tu ? Nous devons discuter de ton avenir.

Erwin fit cliqueter les clefs qu'il avait accroché à sa ceinture et entreprit d'ouvrir la cellule de Shamil. La lourde porte céda après quelques tours de main et l'Empereur pénétra dans la sombre pièce exiguë. Tout en marchant, il lança à la jeune fille :

-Au fait, tu peux lâcher ces menottes. Tu t'en es libérée plutôt agilement, ce qui n'est pas surprenant d'après ce que j'ai pu deviner sur toi. Mais nous en parlerons plus tard.

Les yeux amusés d'Erwin se baladèrent dans la cellule puis retombèrent sur Shamil. Se doutait-elle du tournant que sa vie pouvait prendre ? Allait prendre ? Erwin avait beaucoup réfléchi à la décision qu'il avait pris il y a quelques jours et n'avait que quelques petites choses à vérifier avant d'être certain du bien fondé de son action. N'importe quel autre homme politique ou militaire aurait critiqué sa décision, bien trop hasardeuse que pour être efficace, mais le jeune Empereur était maintenant habitué aux paroles frustrées de ses congénères. Seul le Seigneur des Marches du Nord semblait comprendre où Sil' Afian voulait en venir et appuyait ses stratégies. Erwin reporta son attention sur la jeune fille qui lui faisait face et s'assit à même le sol afin de lui parler plus aisément.

-Je t'écoute, Shamil. Quels sont tes plans ?

Quels pouvaient bien être les sombres perspectives de la marchombre ? A quoi aspirerait-il, lui, Erwin, si il n'avait pas été Empereur ? Sil' Afian avait beau chercher, il ne trouva pas de réponse convaincante. Se serait-il enrôlé dans la Garde Impériale ? Ou la Légion Noire ? Mais supposons que ses capacités militaires ne lui aient pas été données... Si Erwin était né de parents paysans, peut-être serait-il en ce moment en train de vendre tout simplement des boissons dans une échoppe sur la grande place du Marché. Serait-il heureux ? Plus qu'en dirigeant Gwendalavir ? Une des grandes qualités d'Erwin était de systématiquement remettre en question ses pensées et, par sa capacité à se trouver proche des gens, facilement s'immiscer dans la vie ou la conscience d'un autre. Gouverner procurait-il à Erwin autant de bonheur qu'il était souhaitable ? Certes, le travail était harassant et parfois débordant. Certes, les critiques fusaient. Certes, Erwin aurait parfois allègrement souhaité échanger sa place. Mais jamais, jamais, après réflexion, il ne se résignerait à laisser Gwendalavir à son triste sort...

Face aux déclarations de l'Empereur, Shamil haussa les épaules. Elle laissa retomber ses bras, s'étira à la façon d'un chat. Puis, elle s'assit tranquillement par terre, en face de l'empereur, les mains sur les genoux, avec le naturel qui lui était propre.
_ Mes plans? Retrouver une amie d'enfance, notamment. L'empereur haussa les sourcils. Quoi, ça vous étonne qu'une fille comme moi ait pu avoir une amie? Bon, d'accord, j'aimerais aussi liquider certains Mercenaires du Chaos, mais c'est les plans habituels, ça. Je suppose que vous savez déjà qui je suis en réalité, donc inutile de tout cacher. Je me demande si il m'écoute vraiment. Bah, tant pis si je parle à un mur, ça vaut mieux que de se taire. Ele entreprit de détailler plus attentivement l'empereur. Jeune, musclé, il ressemblait plus à un aventurier qu'à un empereur. Cependant, Shamil avait l'habitude de juger les gens, et elle savait que l'homme qui se tenait assis devant elle était d'une grande noblesse d'âme. Le sérieux peint sur son visage, témoignant de la charge qui lui pesait sur les épaules était gommé par ses yeux, toujours rieurs et brillants d'intelligence. Il était entouré d'une aura de sagesse, mais tout en lui clamait la joie de vivre. Jamais Shamil n'avait aperçut chez quelqu'un un mélange aussi surprenant. Il lui semblait pouvoir en un clin d'oeil comprendre l'empereur, et, quelques secondes plus tard, celui-çi lui semblait aussi difficile à déchiffrer que l'art des dessinateurs. Elle se surprit même à se demander quand était la derniére fois où l'Empereur de Gwendalavir s'était amusé avec ses amis. Un mois? Une année? Une dizaine d'années? Jamais? Elle songea qu'à cet âge-là, le jeune homme aurait dû être en train de croquer la vie à pleine dents avec ses amis, au lieu de siéger sur le trône d'Al-Jeit. Sans qu'elle ne s'en rende compte, les mots sortirent tout seuls de sa bouche:
_ Pas facile tout les jours d'être Empereur quand on est aussi jeune, n'est-ce pas?
Shamil avait beau ne pas comprendre pourquoi elle venait de prononcer ces mots, elle savait instinctivement que c'était ce qu'il fallait dire. Si toutefois il m'a entendue... Le jeune homme tressaillit. Bon, il m'a entendue, c'est sûr, maintenant, à lui de voir si il veut répondre. Elle continua d'attendre, ses yeux bleus foncés plantés dans ceux de l'Empereur. Cette opération créait d'ordinaire une certaine gêne chez les personnes, qui se sentait parfois obligés de détourner la tête en toussotant. Ou alors de répondre à ses questions. Elle attendait simplement que l'Empereur fasse son choix, sans l'obliger. Cette attitude prouvait encore qu'elle appartenait à la Guilde des Marchombres, mais elle s'en moquait éperdumment., au mépris de toutes les lois de bonne conduite. De toutes façons, les marchombres n'étaient pas vraiment réputés pour se distinguer dans les lois, encore moins dans celles des bonnes conduites. Il le sait déjà, j'en suis certaine. Inutile de le cacher, ça ne servirait à rien.

- (...) Je suppose que vous savez déjà qui je suis en réalité, donc inutile de tout cacher

Une lueur amusée passa dans les yeux du Souverain. Retrouver une amie et tuer quelques Mercenaires du Chaos. Quels beaux plans. Mais cette fille semblait bien persuadée de l'existence des fils du Chaos, bien que leur cité ait été détruite il y a 300 ans de cela. Néanmoins des signes suspects réapparaissaient ça et là, raison de l'instauration des Missions Impériales. Les Mercenaires du Chaos étaient presque tombés dans l'oubli, une fois leur guilde éteinte, c'est pourquoi le fait que Shamil en parle si naturellement le perturba légèrement.

-Pas facile tous les jours d'être Empereur quand on est aussi jeune, n'est-ce pas?

Erwin eut un froncement de sourcils réprobateur, signe qu'une limite avait été franchie. Décidant d'oublier cette parole hasardeuse et de faire preuve de clémence envers la fougueuse jeune fille, l'Empereur fit mine d'ignorer ces paroles et revint sur les précédentes.

-Retrouver une amie et liquider quelques Mercenaires, dis-tu... Belles perspectives. Un détail cependant m'intrigue, jeune fille. Où as-tu entendu parler des Mercenaires du Chaos et quelle conviction te pousse à croire en leur retour ?

A l'écoute de ce que la jeune fille allait lui répondre, Erwin joignit les mains en signe d'intense concentration. Le fait que Shamil parle si librement des Mercenaires n'était peut-être que croyances fortuites d'une jeune fille ayant saisi quelques paroles au vol et cru avoir compris leur sens. L'Empereur était néanmoins curieux de savoir où la jeune fille en avait entendu parler... Et dans quel contexte. Après tout, ses hommes n'avaient pas pu l'informer suffisamment sur cette jeune fille. Erwin ne savait presque rien d'elle. Comme tous les autres prisonniers des cachots, en fait. Mais elle, Shamil, il se devait de la connaître. Car il était intrigué. Et un instinct le poussait à mieux connaître la jeune marchombre. Nous avons déjà eu l'occasion de parler de ce si formidable instinct des Sil'Afian dont Erwin avait hérité c'est pourquoi nous ne nous étendrons pas là-dessus. Le Souverain avait simplement eu le pressentiment qu'un élément de réponse se trouvait dans ses cachots. Et avait vu juste en allant rendre visite à Shamil Eralya.

La jeune fille savait-elle au moins quelle puissance ancestrale prônaient les fils du Chaos ? Mesurait-elle l'ampleur du pouvoir que ceux-ci avaient la possibilité de disposer, et disposaient peut-être déjà ? Etait-il seulement possible de réduire à néant les Mercenaires du Chaos ? Si il s'était s'agit d'une simple créature nuisible, l'Empire aurait pu s'en débarrasser définitivement. Mais les Mercenaires prônaient une philosophie de vie, une philosophie qui trouverait toujours des adeptes ! Alors il faudrait remonter à la source. Existait-il seulement... Une source du Chaos ?

Shamil comprit que l'Empereur ne désirait pas parler de sa jeunesse, et elle n'insista pas. En revanche..
-Retrouver une amie et liquider quelques Mercenaires, dis-tu... Belles perspectives. Un détail cependant m'intrigue, jeune fille. Où as-tu entendu parler des Mercenaires du Chaos et quelle conviction te pousse à croire en leur retour ?
Aïe. Ca se corse. Shamil décida de la joeur au tac au tac, et adressa un beau clin d'oeil à l'Empereur.
_ Secret. Disons que je sais m'approprier des renseignements quand je le veux.

En fait de renseignements, toute la Guilde des Marchombres était au courant depuis longtemps que les Mercenaires du Chaos étaient de retour. Leur finesse habituelle leur avait permi de détecter les Mercenaires, les indices, et certains même avaient réussi à en repérer quelques-un. Un apprenti marchombre avait récemment été retrouvé mort égorgé par ce qui semblait être un guerrier hors pair. Les marchombres n'avait jamais eu de problémes avec les Frontaliers, notamment grâce à l'union vieille de 300 ans d'Ellana Cladin et d'Edwin Til'Illan. Les Thüls étaient bien trop bruts pour réussir à tuer un marchombre, fut-il aussi inexpérimenté qu'un apprenti. Restait les Mercenaires. D'accord, ils avaient disparus depuis longtemps, mais rien n'empêchait un come-back sur scéne. Ils étaient forts, maîtrisaient l'art du combat et celui du dessin. Ils faisaient des adversaires redoutables. De plus, ils haïssaient les marchombres depuis des siécles, et réciproquement. Tout portait à croire que le Chaos en personne faisait son grand retour. De plus, les renseignements ne sont pas durs à obtenir pour des êtres qui savent s'adresse aux éléments, et le vent s'était montré bavard. Les Mercenaires du Chaos étaient bien de retour. Ils n'étaient pas encore trés forts, préférant être discrets et se fondre dans la foule, mais ils étaient bien là, et leur pouvoir et leur influence ne feraient qu'augmenter. La Guilde avait alors envoyé quelques marchombres pour lutter contre eux. Shamil était parmi ceux-là.

Shamil sortit de sa rêverie pensive. L'Empereur avait l'air mécontent qu'elle ne lui en dise pas davantage. Si je pouvais, je l'aurais fait, mais c'est impossible. Elle lui sourit amicalement, en haussant les épaules, dun air qui signifait: "Ne soit pas en colére, j'y suis pour rien."
_ Désolée, je ne peux pas vous en dire plus. Ca ne regarde que moi, tout comme vos secrets. Un lourd silence s'abattit. L'Empereur paraissait presque à la limite du désespoir. Shamil avait presque pitié de lui. Il ne souhaitait que défendre son Empire, et elle, elle ne lui disait rien qui lui permettrait de l'aider! Il s'écoula encore quelques minutes, et la jeune fille poussa un immense soupir.
_ Ma bonté d'âme me perdra... D'accord, je céde. Je ne peux pas vous dire grand-chose, car je n'ai pas le droit, mais sachez au moins ceci: les Mercenaires sont bel et bien de retour. Je ne vous révélerez pas comment je le sais. Ils ne sont pas encore au meilleurs de leur forme, mais ne vous inquiétez pas, ils s'en remettront vite. Ils se font discrets, et ça risque d'être dur de les repérer, mais l'Empire est à nouveau en danger. Elle se bascula en arriére de sorte qu'elle se retrouva sur le sol, allongée sur le dos, les mains derriére la tête.
_ Voilà. J'en ai presque trop dit.

-Désolée, je ne peux pas vous en dire plus. Ça ne regarde que moi, tout comme vos secrets.

L'Empereur encaissa les paroles de la jeune fille patiemment, bien que son impatience grandissait en lui. Erwin ne s'attendait pas à ce que Shamil déballe tout sur le moment, surtout après la découverte qu'il avait fait de son appartenance marchombre. Car Sil' Afian, ne pouvait se tromper lorsqu'il en voyait un. De Marchombre. Outre sa connaissance exceptionnelle concernant les gens de son peuple, Erwin avait été amené à connaître personnellement un des membres du conseil marchombre. Le Souverain avait pris contact avec lui afin de discuter de l'Empire, connaissant la sagesse des chevaucheurs de brume. Erwin avait subi quelques difficultés à se procurer le nom adéquat, mais une fois ses investigations anonymes terminées, l'Empereur était sorti de cette rencontre enrichi, et empli d'un respect nouveau pour la guilde des Marchombres. Il savait que tous tenaient à leur liberté plus qu'à tout. Mais pas que tous pouvaient être aussi fougueux que la jeune fille auquel il avait affaire. Après quelques minutes de silence durant lesquelles Erwin avait dardé son regard profond et inquisiteur sur la jeune fille, plus efficace que milles belles paroles, celle-ci se décida à reprendre la parole :

-Ma bonté d'âme me perdra... D'accord, je cède. Je ne peux pas vous dire grand-chose, car je n'ai pas le droit, mais sachez au moins ceci: les Mercenaires sont bel et bien de retour. Je ne vous révélerez pas comment je le sais. Ils ne sont pas encore au meilleur de leur forme, mais ne vous inquiétez pas, ils s'en remettront vite. Ils se font discrets, et ça risque d'être dur de les repérer, mais l'Empire est à nouveau en danger.

Cela n'avançait pas beaucoup l'Empereur. Erwin ne doutait pas sur l'exactitude des propos de Shamil puisqu'il en était arrivé à la même conclusion, mais il espérait quelques élément qui lui aurait été utile. L'information néanmoins que la guilde des Marchombres était consciente du danger était, quant à elle, non négligeable.

-Voilà. J'en ai presque trop dit.

Il serait difficile d'en obtenir plus de la jeune fille sans la brusquer. D'ailleurs, Erwin connaissait la valeur d'un secret marchombre. C'est pourquoi il décida de ne pas insister. Il y eut encore quelques minutes de silence que le Souverain rompit en ces termes :

-Et c'est bien assez pour le moment. Alors revenons à toi. Tes plans ont l'air d'offrir une perspective agréable, mais il se pourrait que je t'en offre une plus intéressante encore. Il n'a pas dû t'échapper que mes Gardes étaient plutôt furieux de la manière dont tu avais semé le désordre dans l'auberge des Sabres d'Aciers. (Un sourire amusé traversa le visage de l'Empereur). Ils m'ont néanmoins parlé de toi dans des termes qui m'ont rendu curieux. On m'a dit que tu as mis plus d'une dizaine d'hommes en déroute. Avant que je te félicite, sache que n'importe quelle Frontalière, comme par exemple celle qui est maintenant partie en Mission Impériale, en serait capable. Même peut-être du double.

Erwin laissa ses paroles flotter avant de reprendre:

-Un tel potentiel ne peut néanmoins être ignoré. Ton âge joue de plus en ta faveur. Alors, voilà ma proposition. Reste au Palais, parfait ton entraînement avec mes hommes de la Légion Noire. Et si les résultats sont concluants, il y a beaucoup de chances que je t'envoie en Mission Impériale. Une Mission simple, ridicule, mais qui me permettra de te tester. On n'acquiert pas tout en une fois, Shamil, et c'est une grande chance que je t'offre là.

Le regard d'Erwin s'était à nouveau fait dur et intransigeant, tel l'Empereur qu'il était réellement.

-Alors qu'en dis-tu ?

Shamil faillit bondir sur place... Mais pas de joie. Je rêve ou il vient de me proposer de devenir une guerriére? Ellle faillit exploser d'indignation. Reste calme, reste calme... L'Empereur ne se rendait peut-être pas compte, mais pour elle, être surveillée, "testée' plutôt par les soldats de l'Empereur et rester au même endroit pendant des mois, ou peut-être des années était pire qu'une prison. Pire, c'était la honte! Elle prit une longue goulée d'air pour chasser les derniéres traces de colére et d'indignation en elle, et c'est d'une voix calme qu'elle répondit au souverain:
_ Non merci, je n'ai pas besoin d'être testée. Je ne suis pas Frontaliére, je ne suis pas soldat, je ne suis aux ordres de personne. Je n'ai aucune envie de m'entraîner, encore moins d'être testée, et je me fiche royalement de ce que pense vos Gardes. Quand à la Mission, si elle est simple et ridicule, je ne vois pas en quoi cela puisse être une véritable mission. A la limite, si elle était dangereuse et primordiale... Rester au Palais ne fait pas partie de mes projets et ne m'enchante absolument pas. Voilà, je crois avoir fait le tour, et je suis navrée pour vous si cela ne vous plaît pas. J'ai peut-être été un peu dure, mais il fallait que ça sorte. Je n'ai aucune envie de passer des mois enfermée dans un palais, fût-il aussi splendide qu'Al-Jeit! Shamil était déçue. Elle imaginait que l'Empereur la comprenait, et voilà qu'il lui proposait ce que n'importe quel Marchombre aurait refusé! Pensait-il réellement qu'elle était soldat, ou Frontaliére? Cette pensée faillit la faire éclater de rire tant elle trouvait cela ridicule. Il ne me manquerait plus qu'il me confonde avec un Thül! S'imaginant en gros tas de muscles sans aucune grâce ni agilité, elle dut vraiment faire de gros efforts pour réussir à étouffer son rire. Elle ne se voyait pas du tout ainsi, mais alors, pas du tout! Elle finit par se demander qui étaient les homme de la Légion Noire. Des guerriers habiles, sans aucun doute. Mais elle doutait de leur réussite si ils croisaient un ou plusieurs marchombres. Sur un combat loyal, lequel l'emporterait? Difficile à dire. Tout dépend de leur niveau en escrime. Mais il faudrait quand même que le legionnaire en question soit vraiment doué si il veut se mesurer seul à un maître marchombre! Et elle? L'emporterait-elle? Pas sûre.. Contre 10 légionnaires, sûrement pas, mais seule à seule avec lui? Elle avait ses chances, mais de là à l'emporter facilement.. Moui, ce serait interéssant de me mesurer à un légionnaire, et de voir lequel pourrait bien surpasser l'autre... A condition que l'occasion se présente. Pour ladite occasion, l'Empereur venait de la lui offrir sur un plateau. Elle proposa au souverain en toute sincérité:
_ Si vous doutez de moi, je peux combattre un de vos meilleurs hommes de la Légion Noire en combat loyal, et on verra qui de nous deux l'emportera. Elle espérait secrétement qu'il accepterait. Ce combat était pour elle le moyen de voir où était placées ses limites.. Afin de les dépasser.

-Voilà, je crois avoir fait le tour, et je suis navrée pour vous si cela ne vous plaît pas.

Un refus. Après tout, Erwin s'y attendait. Il n'avait pas longtemps côtoyé les marchombres mais assez que pour comprendre leur pensée. Il savait donc que la réaction de la jeune fille serait de cet acabit. Néanmoins il lui fallait vérifier l'appartenance de Shamil à la guilde. Cela était maintenant chose faite. Bien trop de jeunes gens se faisaient passer pour marchombres au Palais afin de peut-être recevoir la clémence de l'Empereur, ses rapports amicaux avec la guilde ayant été connus de quelques individus trop bien informés.

-Si vous doutez de moi, je peux combattre un de vos meilleurs hommes de la Légion Noire en combat loyal, et on verra qui de nous deux l'emportera.

Un combat ? Quelle utilité avait Erwin à provoquer de manière si brutale un affrontement entre Shamil et un légionnaire ? Même si la jeune fille en sortait vainqueur, qu'attendrait-elle en retour ? La Mission, disait-elle, ne l'intéressait en rien. Mais l'Empereur ne pouvait décemment pas envoyer en aventure périlleuse le premier des guerriers venus. La proposition de la jeune fille irrita quelque peu l'Empereur puisqu'elle n'avait pas l'air de se rendre compte que ce genre d'affrontement ne prouverait rien du tout. Mais où venait-elle en venir ? Souhaitait-elle prouver rapidement sa valeur afin instantanément accéder à une missions périlleuse... Comme une Mission Impériale ? Après tout, Shamil détenait des informations intéressantes, susceptibles de faire peser la balance, même si elle n'était pas encore prête à se confier. De toute façon, Erwin pourrait toujours renouer avec son ancien contact marchombre. Et déjà deux individus de la guilde étaient partis en Mission.

Erwin avait d'ailleurs reçu l'information que la compagnie était en passe de s'arrêter à Al-Nar, après un assaut d'une quarantaine de Raïs. On l'assura que les marchombres avaient été très efficaces, tout autant que la jeune Frontalière que tous avaient à la base sous-estimée. Un sourire étira le visage de l'Empereur lorsqu'il songea à la surprise qu'avait dû être celle de ses légionnaires lors de la preuve de l'expertise des sélectionnés. Les membres de la Légion Noire n'acceptaient pas facilement d'être surpassés. Son page l'avait néanmoins informé qu'une camaraderie visible commençait à se développer, surtout du côté de la Frontalière et de la Légion Noire. Après tout, ces deux classes ne pouvaient que bien s'entendre. Surtout si Heliade, comme on l'avait encore renseigné, faisait preuve d'un enjouement particulier. Erwin avait le sentiment que sa première Mission Impériale serait un succès. Maintenant devait-il s'atteler à la deuxième...

Erwin allait répondre à Shamil lorsqu'un messager essouflé pénétra dans la cellule, l'air affolé. Lejeune garçon avait été embauché quelques semaines plus tôt et faisait toujours preuve de nervosité lorsqu'on lui confiait une tâche quelconque. Majesté, souffla le garçon nommé Ali, Majesté... Votre présence... Est requise... Dans la salle de réception. Il y a eu... Quelques... Complications devant le palais.... Fronçant les sourcils, Erwin se leva d'un mouvement leste et accorda un dernier coup d'œil à Shamil avant de lançer :

-Tu es libre de quitter cette cellule. Des appartements te seront préparés dans le Palais. Tu peux aussi à nouveau circuler en ville. Néanmoins, garde en tête que tu reste officiellement détenue. Nous reparlerons plus tard. Ali, dit-il en jetant un regard vers le jeune garçon, te conduira vers tes appartements. Ali approuva d'un mouvement de tête frénétique.

Soucieux de ce qui s'était passé aux portes de son Palais, Erwin quitta rapidement la cellule et les cachots, se demandant qui étaient les individus qu'il rencontrerait dans la Salle de Réception...

[-> Fin du topic. Suite à la Salle de Réception]